Maîtriser un dérapage, tout un art

Christophe Declerck est le patron de la société Quad Aventures (http://www.quad-aventures.fr), qui propose des randonnées toute l’année avec des quads de location ou de propriétaires. Mais il a également été l’un des meilleurs pilotes français en rallye raid, aux commandes d’un Yamaha Raptor 700 ou d’un Polaris Outlaw avec lesquels il a notamment disputé le Dakar. C’est donc un expert en pilotage que nous avons questionné, pour savoir comment bien glisser en quad en limitant les risques. 

Quelle est selon toi la technique de base pour glisser en quad ? »

« Il faut avant tout se pencher du bon côté, bien déhancher vers l’intérieur du virage et donner le coup de gaz pour que cela glisse. Cela dépend du sol, de la vitesse, du quad. Comme pour apprendre à faire un wheeling (rouler sur les roues arrière, ndlr), cela se travaille. Lors de mes sorties, je vois souvent des gens qui veulent apprendre à faire la toupie. C’est leur rêve. Il faut pour cela avoir un terrain qui glisse, comme du gravier par exemple. S’il y a du grip, cela va raccrocher et le quad va basculer. Il faut y aller progressivement, apprendre le braquage, contre-braquage, savoir bien gérer son accélérateur ». 

« Le rôle du corps est prépondérant dans cet exercice… »

« Oui, il faut bouger le bas du corps. Il faut toujours avoir à l’esprit que pour bien glisser, il faut prendre appui sur le marchepied, plier la jambe intérieure. Et surtout mettre en pratique que ce sont les fesses qui bougent et non les épaules. Cela permet de bouger le centre de gravité et de trouver le bon équilibre. Personnellement, je préfère partir d’une position assise et non debout pour effectuer une glissade. Cela permet en effet de plus facilement basculer le corps et d’avoir le moins de poids possible sur la roue extérieure au virage ». 

« Y a-t-il une astuce à mettre en pratique pour arriver à glisser quand on apprend ? »

« Oui, c’est de commencer par des virages en tournant à gauche, du côté opposé à l’accélérateur. C’est plus naturel et cela permet d’éviter les mauvaises manipulations de la gâchette. Ensuite, il faut y aller progressivement, pour trouver le bon geste. Il faut porter le regard le plus loin possible pour savoir où l’on veut aller ». 

« Le type de quad a bien sûr une importance déterminante dans la glisse… »

« C’est plus simple avec un quad sportif, oui. Avec un Raptor 350, c’est plus facile à faire qu’avec un Grizzly 700 ou un Polaris Sportsman 1000. Mais il n’empêche que l’on peut également s’amuser avec un baroudeur 4×4 avec un peu de pratique. L’arbre rigide d’un sportif est un atout, tandis que le 4×4 va avoir tendance à s’écraser davantage. Il ne faut surtout pas mettre le mode 4×4, sinon cela ne glisse pas, car l’avant va tracter ». 

« Qu’est-ce qu’il ne faut absolument pas faire en cas de difficulté ? »

« Surtout ne jamais toucher au frein ou lâcher les gaz, cela ne ferait qu’amplifier le problème. Il faut essayer de déhancher toujours plus. S’il faut se rappeler d’une chose, c’est surtout de ne pas couper les gaz. Cela fait partie de l’apprentissage d’avoir le bon geste, le bon réflexe. C’est une question d’expérience. » 

« Et si le quad part sur deux roues ? » 

« À part se pencher à fond, il n’y a pas vraiment autre chose à faire. C’est que l’on a mal interprété le terrain, que la vitesse n’était pas adaptée ou que le positionnement du corps n’était pas bon. Encore une fois, un bon réflexe peut permettre d’éviter une barrière, une voiture ou un ravin. Je suis bien placé pour le savoir… » 

« Tu peux nous en dire plus ? »

« Cela ne m’est jamais arrivé de basculer en quad lors d’une glisse. Parfois, cela a été chaud… Je me rappelle d’un rallye d’Orient, en 2006 ou 2007 avec mon Raptor 700. C’était une belle étape de ce rallye en Turquie avec beaucoup de gravier. On roulait vite en quad et on parvenait à taquiner les motos, les pilotes ayant du mal à tenir l’avant de leur machine. Pour nous, c’était le terrain idéal. Et puis se présente un virage, que j’aborde un peu vite. Je n’avais pas vu qu’il se refermait fort. Impossible de freiner, encore moins de lâcher les gaz. Il y avait à cet endroit-là un ravin de 300-400 mètres sans glissière de protection. J’ai dû donner un grand coup de gaz pour passer et déhancher le plus possible. J’ai eu chaud… J’avais les bras et les jambes qui tremblaient en y repensant… » 

« Quelle est pour toi la machine qui t’a donné le plus de plaisir en termes de pilotage, notamment en matière de glissades ? »

(Sans hésiter) : « C’est bien entendu le Raptor 700. C’est le quad que j’arrive à placer où je veux quand je veux. Je le connais par cœur. La suspension, le moteur, le châssis, le freinage, tout est bien pour pouvoir rouler vite. Au niveau baroudeur, j’aime beaucoup le Grizzly 700 avec lequel j’ai parcouru des milliers de kilomètres ».

« Quel est selon toi le rôle de la suspension et des pneus pour bien glisser ? »

« Il est évident qu’une machine bien suspendue est plus efficace. Après, le meilleur amortissement du monde n’a aucun intérêt s’il n’est pas bien réglé. Même chose pour les pneus. Des gommes tendres sont plus efficaces que des dures, c’est une question d’équilibre. En termes de pression des pneus, je pars toujours du principe que 500 à 600 grammes suffisent. Personnellement, je roulais toujours à 550 grammes en course. Cela permet d’avoir un bon confort et de limiter le risque de déjanter ». 

« Qu’est-ce que tu penses des quads avec différentiel arrière ? »

« C’est de l’anti-glissade. C’est une aberration ! C’est une spécificité des quads d’avoir 2 roues arrière qui tournent à la même vitesse. Changer cela va à l’encontre du plaisir de pilotage. Toutes les nouvelles normes ne vont pas dans le bon sens. Si cela continue, il y aura l’ESP sur les quads et ce sera la fin de tout… »