Les grandes lignes du guide du Codever

Le Codever, collectif de défense des loisirs verts propose son nouveau « Guide Pratique ». Rencontre avec Charles Péot, directeur du Codever, pour savoir ce que l’on trouve à l’intérieur de cette publication.

Propos recueillis par Sébastien Soulié

LMDQ : « Comment définissez-vous le nouveau guide pratique du Codever ? Quelle est l’idée générale de cette publication ? »

C. P. : « Notre « Guide Pratique » est à la fois un mode d’emploi, un guide juridique (un peu), un memento. L’ouvrage regroupe tout ce qu’il faut savoir pour se promener et organiser des randonnées en toute légalité sur les chemins de France. C’est la bible de la rando nature ! »

LMDQ : « Quelles sont les thématiques abordées dans ce guide 2023 ? » 

C. P. : « Le premier thème abordé, c’est la rando sous toutes ses formes. Nous expliquons quels sont les moyens de locomotion qu’on peut employer pour randonner, et où on peut les utiliser en toute légalité. On donne pour cela les clés de la réglementation relative à la circulation dans les espaces naturels, et on dresse la liste des espaces protégés et des conséquences de ces protections. Sans oublier de souligner l’importance de protéger notre « terrain de jeu ». Comme autre thème, on trouve la question des réglementations locales et leur signalisation à l’usager, les contrôles et verbalisations et les accidents et agressions. Autant de situations face auxquelles il faut savoir réagir. Le dernier thème, c’est l’organisation des randonnées autre que les sorties en petit groupe de potes. On y explique toutes les démarches à réaliser, on donne des conseils pour ne pas être victimes de l’administration qui est parfois tatillonne, quand elle n’est pas carrément militante. Enfin, le Guide aborde également le sujet des terrains aménagés pour la pratique, dans les grandes lignes ».

LMDQ : « Par qui avait été créé le premier guide ? Quand avait-il été diffusé ? »

C. P. : « Le Guide Pratique est une création du Codever en 2008, qui est venue remplacer le guide juridique « Le Droit chemin » signé de feu Jean-Pierre Steiner, sorti pour la première fois au début des années 90. Nous nous étions rendus compte que le guide juridique était en fait difficile à comprendre et à utiliser par nos adhérents. D’où l’idée de le remplacer par un guide pratique ».

LMDQ : « Le précédent guide datait de 2017. Qu’est-ce qui a le plus changé en 6 ans ? » 

C.P. : « La principale évolution réside dans la modification du régime de déclaration des randonnées en aout 2017… publiée au Journal Officiel 1 mois après la parution de notre 2e édition ! depuis, nous étions obligés d’adjoindre des feuillets au Guide pour corriger le chapitre consacré à l’organisation des randonnées. En 2019, une réglementation est apparue pour encadrer l’usage des « EDPM » (Engins de Déplacement Personnel Motorisés) tels que les gyropodes ou les trottinettes électriques, dont l’offre pro de rando se développe. Depuis 2021 et 2022, des lois tentent de mieux protéger les chemins ruraux (en partie suite à notre lobbying intense d’ailleurs). Enfin, la grosse nouveauté récente (février 2023) c’est la création d’une nouvelle infraction d’intrusion dans la propriété privée rurale ou forestière. C’est finalement une sorte d’interdiction du hors-piste visant les piétons, les vététistes et les cavaliers. En revanche, aucune loi n’est venue compléter ou durcir la loi Lalonde, contrairement à ce qu’on peut lire parfois sur les réseaux sociaux… »

LMDQ : « Beaucoup de modifications ont-elles été nécessaires dans ce guide ? Des chapitres ont-ils disparu par rapport au guide précédent ? »

C. P. : « Tous les chapitres existants ont été conservés et révisés, au regard des textes les plus récents, voire augmentés en pagination. Et nous avons ajouté le chapitre « Protégeons notre espace de liberté », consacré à la sauvegarde des chemins ruraux, qui forme le réseau de voies indispensable à la randonnée. C’était logique au vu du temps que vous avons passé à agir sur ce plan ces dernières années ».

LMDQ : « Combien de personnes ont travaillé sur ce guide ? »

C. P. : « Pour l’essentiel, je me suis occupé seul des recherches, de la rédaction des textes et de la maquette. Le bureau a validé le choix des sujets à traiter. J’ai reçu une aide précieuse pour la relecture, notamment de la part de notre présidente et de l’un de nos adhérents qui termine sa formation d’avocat ».

LMDQ : « Avez-vous répertorié les voies au niveau de leur statut et de leur usage pour avoir une lecture plus rapide ? »

C. P. : « Oui. Trois tableaux figurent en fin d’ouvrage. Ils récapitulent les règles d’usage en fonction du statut juridique des voies, de la présence de signalisation ou de balisage ».

LMDQ : « A qui s’adresse ce guide ? »

C. P. : « Ce guide est un outil incontournable pour tous les randonneurs, quelle que soit leur activité : marche, rando équestre, balade à VTT avec ou sans assistance électrique, en cyclomoteur, à moto, en quad, en SSV, en 4×4, buggy ou même en motoneige, ou sur un gyropode ou une trottinette électrique ».

LMDQ : « Où peut-on le trouver ? A quel prix ? »

C. P. : « Le Guide Pratique n’est pas commercialisé mais remis contre souscription d’une adhésion au CODEVER (sauf formules « sympathisant » et « Famille »). Il est distribué exclusivement en version papier pour limiter le risque de le retrouver en libre-service sur internet… Il suffit donc de se rendre sur www.codever.fr pour adhérer en ligne. Plusieurs formules sont disponibles pour les particuliers (50 €), les clubs (120 €) et les pros (160 ou 250), avec une Garantie Protection Juridique en prime. A noter que pour faire face à l’explosion des coûts d’impression et d’affranchissement, nous demandons 5 € en sus pour l’envoi du guide (il n’est envoyé que lors de votre première adhésion) ».

LMDQ : « Combien de pages compte cette édition ? »

C. P. : « Nous arrivons à 96 pages, contre 32 pour la première édition en 2008 et 72 pour la deuxième en 2017. Nous avons lancé un premier tirage de 5000 exemplaires. Environ 2000 ont d’ores et déjà été envoyés à nos adhérents à jour de cotisation (sauf si leur adhésion venait à expirer dans les 2 mois). Cela représente un investissement conséquent, près de 10 000 € entre l’impression et le routage ».

LMDQ : « Ce guide est-il un moyen de communication indispensable pour faire connaître l’action du Codever ? »

C. P. : « D’une certaine façon, le Guide est un moyen de faire connaitre notre expertise. Il nous arrive régulièrement de le remettre à des députés ou à des représentants des pouvoirs publics ».

LMDQ : « Aujourd’hui, le Codever a-t-il davantage une action juridique ou pédagogique ? »

C. P. : « C’est difficile à dire, à vue de nez je dirais 50/50. C’est cependant notre action lobbying que nous aimerions avoir les moyens de développer, car elle est essentielle pour peser sur la réglementation.

LMDQ : « Sentez-vous que le message du Codever pèse davantage aujourd’hui qu’il y a 6 ans lors de la parution du dernier guide ? »

C. P. : « Ce que je peux dire, c’est que nous sommes plus connus des députés et sénateurs qu’en 2017, en raison de notre contribution volontaire et répétée aux travaux parlementaires. Pour peser, il faudrait surtout que l’on puisse revendiquer plus d’adhérents, et qu’on dispose d’un budget nous permettant d’embaucher, afin de consacrer plus de temps au lobbying. A titre de comparaison, France Nature Environnement a dépensé en 2021 entre 2 et 2,25 millions d’euros en lobbying auprès des parlementaires… Donc, si vos lecteurs veulent continuer à pratiquer encore longtemps, il serait bon qu’ils soutiennent notre travail en adhérant ! »

LMDQ : « Quelles sont les lois qui ont le plus apporté aux loisirs verts ? »

Je n’en vois pas vraiment, tant l’arsenal législatif est orienté dans le but de maitriser le développement des sports de nature, en l’encadrant, en donnant des pouvoirs de restreindre la circulation et les pratiques… Une bonne nouvelle tout de même : la récente loi « 3DS » est venue limiter la responsabilité des propriétaires et gestionnaires des espaces naturels. Désormais, le propriétaire d’un site ne sera plus systématiquement considéré comme responsable si un sportif de nature se blesse chez lui… C’était vraiment devenu indispensable car cela générait un frein considérable au développement des pratiques ».

LMDQ : « Quelles sont les dispositions réglementaires qui pèsent le plus sur ces loisirs ? »

C. P. : « Ce ne sont pas tant les dispositions réglementaires qui pèsent, mais plutôt les interprétations abusives qu’en font les administrations. Premier exemple. Le maire a le pouvoir de restreindre la circulation, mais ce pouvoir est mal encadré par la loi, et le juge administratif est peu regardant lorsqu’on lui demande d’exercer son contrôle. On a ainsi assisté depuis 20 ans à un retournement progressif du principe selon lequel la liberté de circuler est la règle, et l’interdiction une exception. On parle pourtant ici d’une liberté publique essentielle, garantie par la constitution, et figurant dans la déclaration universelles des Droits de l’Homme ! Deuxième exemple. Le régime de déclaration des randonnées (pardon : des « concentrations », selon le Code du sport) a viré au grand n’importe quoi. La plupart des services préfectoraux instruisent ces dossiers comme des demandes d’autorisation, ce qui créé énormément de complications aux organisateurs, et monopolise des fonctionnaires pour pas grand-chose. Pire, la procédure est de plus en plus souvent utilisée pour mettre des bâtons dans les roues des organisateurs, en leur réclamant tout et n’importe quoi, souvent par militantisme écolo. Cela empire depuis quelques temps, et nous préparons une riposte ».

LMDQ : « A quoi correspond le nouveau chapitre intitulé « Protégeons notre espace de liberté » ? Cela part-il du constat que les chemins ruraux sont de plus en plus en danger ? »

C. P. : « En effet, le linéaire de chemins ruraux ne cesse de diminuer depuis les années 70. Or, ces chemins sont indispensables à la pratique de la randonnée. Il faut donc les protéger, en les utilisant, pour commencer ! Car un chemin rural sous-utilisé a vite fait de disparaitre sous la broussaille. Les interdictions de circuler visant les véhicules à moteur sont d’ailleurs contre-productives sur ce point, sauf à dépenser énormément d’argent dans l’entretien régulier. Il faut aussi empêcher les accaparements (labours, clôtures…) en obligeant les maires à agir, et combattre les ventes qui sont souvent la conséquence ultime d’un accaparement, en participant aux enquêtes publiques. Il faut pour cela que les utilisateurs des chemins soient vigilants et se mobilisent sur leur terrain de jeu, sous peine de continuer à le voir disparaitre ».

LMDQ : « Comment vous positionnez-vous par rapport aux questions environnementales ? »

C. P. : « La protection de l’environnement et des espaces ruraux fait partie de notre objet statutaire, et nous menons des actions en ce sens, notamment en formant nos adhérents via le Guide Pratique, ou par l’opération « Journées des Chemins ». Nous menons une réflexion sur la question de la transition écologique, mais nous manquons de ressources pour travailler plus concrètement ce dossier. Avis aux volontaires ».

LMDQ : « Que change la loi 3DS dont vous parliez précédemment ? »

C. P. : « La loi 3DS incite les communes à réaliser l’inventaire de leurs chemins ruraux. L’idée étant qu’on protège bien ce que l’on connait bien. L’échange d’un chemin rural contre une parcelle, dans le but de modifier son tracé, est désormais autorisé, moyennant quelques conditions de continuité, de largeur et de « qualité environnementale, notamment au regard de la biodiversité ». Ce dernier critère, bien flou, sera propice aux contentieux. Plus grave : l’échange pourra se faire en quasi-catimini : pas de véritable consultation du public, ni d’enquête publique. Il faudra donc être vigilant. La « désaffectation administrative » d’un chemin rural toujours utilisé n’est plus possible. Malheureusement il sera toujours possible de vendre un chemin accaparé à celui qui l’accapare… Il est donc important que les utilisateurs réagissent dès qu’ils découvrent un acte d’accaparement. Plus on attend, plus il est difficile de faire cesser l’appropriation. La commune peut autoriser, par convention, une association à restaurer et à entretenir un chemin rural. La nouveauté, c’est que cette convention ne vaut pas engagement de la commune à continuer l’entretien par la suite. Il faut savoir que l’entretien des chemins ruraux n’est pas obligatoire. Les communes pouvaient donc rechigner, de peur d’être obligées de s’engager ».

LMDQ : « Un mot sur la propriété et les espaces naturels… »

C. P. : « Oui, on entend et on lit souvent que « la nature est à tout le monde ». D’un point de vue philosophique, pourquoi pas, mais juridiquement, en France, toute terre appartient à quelqu’un, que ce soit à des personnes privées ou publiques (commune, département…). De ce fait, dès que l’on sort des voies de circulation, on se trouve sur des parcelles privées. Jusqu’à récemment, se balader dans un sous-bois ou une pâture n’était pas une infraction pénale (sauf, indirectement, pour les motorisés, puisque le hors-piste est interdit depuis 1991). Désormais, un piéton, un vététiste ou un cavalier qui s’aventure sur une propriété privée, lorsque les limites de celles-ci sont matérialisées, pourra écoper d’une contravention de 4e classe (amende forfaitaire de 135 €). C’est une contrepartie obtenue par les chasseurs et propriétaires de forêts. En échange, ils devront supprimer les clôtures classiques. Ils pourront seulement les remplacer par des clôtures, qui permettent la libre circulation (et sans danger) de la faune sauvage. Attention, il n’est pas impossible qu’un conducteur de quad qui fait du hors-piste se voit verbaliser pour les deux infractions : hors-piste ET intrusion sur une propriété privée… Méfiance ! »