L’art d’aborder un croisement de pont

Le croisement de pont est un obstacle qui nécessite d’adopter la bonne vitesse, un bon positionnement du corps et d’anticiper. Karim Hakimi est guide quad depuis 30 ans, avec sa société Slide Control installée dans le Morvan. Il nous livre ses enseignements et quelques secrets pour passer au mieux cette difficulté.

Propos recueillis par Sébastien Soulié Photos : DR et LMDQ

LMDQ : « Comment aborder un gros croisement de pont en quad ? »

Karim Hakimi : « La première chose à faire, c’est de se mettre en 4×4, de se placer sur le bon rapport et si la situation l’exige, d’utiliser le blocage avant. Déjà, il faut bien employer les outils dont on dispose. Les gens pensent trop peu à enclencher la gamme courte alors qu’elle est souvent nécessaire quand la pente est raide. Ensuite, il faut être mobile sur la machine, toujours chercher la meilleure motricité possible et bien entendu aborder l’obstacle à une vitesse adaptée. Il faut accompagner le mouvement de la machine, apprendre à faire contrepoids avec son corps, en tenant fermement son guidon, pour éviter tout déséquilibre. Passer en douceur cet obstacle permet de mettre toutes les chances de son côté ».

LMDQ : « Peut-on rester assis sur la selle ou est-il préférable de se mettre debout ? »

K. H. : « Cela fait 30 ans que je roule debout, à part à de rares occasions quand j’ai un passager derrière moi. Rouler debout constitue un vrai avantage pour anticiper sur les réactions de la machine, notamment sur les transferts de masse. Etre mobile permet de faire contrepoids rapidement quand une roue se lève. Quand une roue entre dans un trou, il faut mettre le poids à l’opposé, puis accompagné le mouvement pour retrouver la meilleure motricité possible. Le poids a une influence sur le comportement. Sachant que ce poids est l’ennemi numéro 1 en tout terrain. On voit beaucoup de quads qui avoisinent les 500 kilos, avec des coffres installés avant et arrière, parfois deux jerricans de 20 litres… Cela a une influence sur le comportement de la machine ».

LMDQ : « Pourquoi le croisement de pont est-il si redouté ? »

K. H. : « C’est parfois impressionnant, notamment quand la roue se lève à 50/60 cm du sol. Les gens qui ont l’habitude de rouler sur des chemins peu accidentés sont parfois surpris. Il faut alors adopter la bonne vitesse pour ne pas se mettre en difficulté. Je vois souvent des gens qui roulent avec des quads châssis longs, alors qu’ils roulent souvent seul. Cela leur permet d’avoir une meilleure stabilité avec l’empattement long. Ils se disent alors qu’ils ont moins besoin de bouger sur le quad. Le fait de rester statique dans les descentes ou les montées peut poser problème. Le fait de rencontrer une ornière au milieu du croisement de pont peut compliquer encore un peu plus les choses. Il faut alors positionner la partie la plus prononcée au milieu du châssis ».

LMDQ : « Quel est le croisement de pont le plus difficile que l’on puisse rencontrer? »

K. H. : « C’est plus difficile en descente. Car on doit simplement maîtriser l’accélération en montée, alors qu’il faut gérer le freinage en descente. C’est en descente qu’il y a le plus de difficultés. Cela tient au fait que les gens arrivent trop vite sur l’obstacle. Un coup de frein trop important va faire travailler la suspension et peut entraîner un déséquilibre. D’où la nécessité de bien maîtriser sa vitesse. C’est d’autant plus le cas s’il y a une succession de croisements de pont. C’est dans cette situation que l’utilisation du blocage avant est moins conseillé. Car il limite la maniabilité de la machine. La capacité à manœuvrer sera moins évidente si l’on actionne le blocage. C’est pour cela que je l’utilise avec parcimonie, vraiment quand cela est nécessaire ».

LMDQ : « Quel est le bon réflexe à avoir si l’on aborde un croisement de pont trop vite ? »

K. H. : « Déjà, il faut avoir à l’esprit qu’en tout terrain, la vitesse doit être toujours adaptée à la situation et qu’il faut donc toujours anticiper sur chaque action. Car seul un coup de frein pourra ralentir le véhicule, ce qui va entraîner un transfert de masse important ». 

LMDQ : « Connaître sa machine est donc une fois de plus essentiel… »

K. H. : « J’allais justement le dire ! Une bonne connaissance de son quad est essentielle avant d’aborder des zones techniques. En tant que guide, je vois parfois des personnes qui ont juste roulé sur des pistes très roulantes dans leur région. Dans le Morvan, il faut avoir un peu l’habitude de rouler pour en profiter. Ils n’ont pas forcément les bons réflexes et il est indispensable de leur expliquer, puis de leur montrer. Il n’y a rien de mieux que l’exemple. Je passe toujours devant et les gens peuvent s’inspirer de la trajectoire et du rythme à imprimer. C’est pour cela que c’est important d’ouvrir en quad. Je vois des confrères qui le font en moto et je trouve que ce n’est pas du boulot. Comment les participants à la randonnée peuvent voir comment faire s’ils n’ont pas l’exemple à suivre ? »

LMDQ : « Quand est-il nécessaire de se faire assurer ? »

K. H. : « Pour moi, le quad se pratique seul, mais reste un sport d’équipe. A partir du moment où il y a un risque, il faut sécuriser les collègues, c’est important d’être solidaire ». 

LMDQ : « Un repérage à pied est-il indispensable ? »

K. H. : « Si on ne connaît pas la zone, c’est nécessaire. En tant que guide, nous avons l’obligation de connaître nos parcours. Pour éviter les problèmes, savoir s’il y a des panneaux d’interdiction qu’il faudra respecter et surtout repérer les zones techniques et leur degré de difficulté. Quand on ne connaît pas une zone technique, un repérage à pied peut être utile, voire indispensable ».

LMDQ : « Où doit porter le regard ? »

K. H. : « Dans notre discipline, il est essentiel d’anticiper, donc on porte le regard le plus loin possible. Puis ensuite, on alterne les coups d’œil vers l’avant du véhicule pour savoir où l’on va poser ses roues et puis plus loin pour une nouvelle fois anticiper. Dans tous les cas, il faut faire confiance à ses bras. Aujourd’hui, on voit près de 95 % de quads avec direction assistée en randonnée. Cela facilite les choses, mais cela ne fait pas tout ! »

LMDQ : « Quel type d’exercice peut permettre de progresser et d’engranger ainsi de l’expérience ? »

K. H. : « Ce peut être une bonne idée de comprendre les réactions de sa machine, d’abord sur de petits croisements de pont sans difficulté, puis d’y aller crescendo… »

LMDQ : « Quel est le rôle de la suspension ? »

K. H. : « Il est déterminant, car un coup de frein appuyé aura pour effet de faire rebondir la machine. Il faut donc à la fois maîtriser sa vitesse mais aussi bien doser son action sur le levier de frein ».

LMDQ : « Quelle pression de pneus est souhaitable ? »

K. H. : « Personnellement, je roule avec des pressions très basses, pour privilégier la motricité. Malgré des pneus peu gonflés, je crève peu. Il faut pour cela rouler propre et choisir les bonnes trajectoires. Je conseille de suivre les préconisations des constructeurs pour avoir la bonne pression. Je vois des participants à mes randonnées rouler avec des pressions de 650/700 grammes dans chaque pneu, avec un effet ballon prononcé. C’est évidemment beaucoup trop ».

LMDQ : « Comment aborder un croisement de pont avec un passager ? »

K. H. : « Sur les petits croisements de pont, il n’y a pas de difficulté. Il faut juste que le passager soit assez mobile pour accompagner au mieux les mouvements de la machine. Il ne faut surtout pas hésiter à faire descendre le passager si l’on ne sent pas l’obstacle. C’est toujours mieux que de prendre des risques inconsidérés ».

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LE PETIT PLUS : SLIDE CONTROL

Cette année, Slide Control a fêté ses 30 ans d’activité. Karim Hakimi, titulaire d’un CQP et figure emblématique dans la discipline, partage sa passion depuis toutes ses années dans toute la France, mais surtout dans le Morvan. Il met notamment en place des randonnées pour propriétaire, en proposant des solutions d’hébergement et de restauration. Contact possible au 06 07 89 53 47.